Imprécation
De Michel Deutsch
1993
Hôtel des Trois Couronnes, Vevey
Mise en scène
Michel Voïta
Assistanat
Michel Toman, Nicolas Gerber
Jeu
Claude Bourgeois, Manola D'Angelo, Marco Facchino, Anthony Gerber, Sylvain Reymond, Alexandra Tiedemann, Michel Voïta
Film et photographies
Daniel Bovard
Affiche
Jean-Renaud Dagon
Administration
Laurence Doll
Note
Théâtre-Ensemble Chantier Interdit est une jeune troupe constituée depuis 1991. Deux spectacles ont déjà été créés à Vevey. Il s'agissait de montages de textes de différents auteurs dont l'organisation permettait de répondre à des intentions thématiques désirées.
Ainsi, L'exil et le salut abordait le thème de l'exil d'un peuple, ses causes, ses conséquences et ses drames. Le deuxième spectacle, Hamlet ou le drame inintéressant, traitait du désir obsessionnel du pouvoir et de la lutte acharnée qu'il peut entraîner.
Avec Imprécation, de Michel Deutsch, Théâtre-Ensemble Chantier Interdit se lance dans une oeuvre dramatique unique prise dans son intégralité et avec tout ce qu'elle impose. Cette oeuvre nous intéresse particulièrement car elle nous propulse de plain-pied dans un spectacle que l'on pourrait qualifier de divertissement politique. La notion de divertissement est une condition absolue du théâtre. La manière dont s'organisent les soirées et le spectacle lui-même - avec mise en péril de ce qui constitue l'oeuvre, l'imprécation - ont pour objectif le plaisir. Quant à l'espace politique, il se manifeste dans le choix déterminant du lieu de la représentation, ains que dans toute l'organisation des soirées. Le public est placé dans une situation de complicité avec l'Imprécateur : la disposition de la salle, permettant de recevoir ce qui est donné à voir est nécessaire pour que chacun puisse être vu et donc participer au sentiment collectif de l'assemblée à l'écoute de la pensée en formation.
Théâtre-Ensemble Chantier Interdit espère que ce divertissement politique et l'originalité des soirées proposées vous plairont.
Nous tenons à remercier Michel Voïta de s'être offert pour cette collaboration passionnante qui nous permet de considérer le travail théâtral de manière tout à fait nouvelle et sous le sceau d'une expérience de mise en scène et de jeu.
Quelques mots
J'ai commencé à écrire Imprécation dans l'abattoir vers la fin de l'été. Le texte, comme le spectacle, ont été fabriqués pendant les préparatifs de la guerre du Golfe. (...) Le texte comprend deux parties. La première Ego scriptor, est un long poème, disons à la manière de Maïakovski. La seconde L'assemblée des bouchers, est écrite plutôt à la manière d'un "Lehrstück", mais sans leçon ni morale. Bien sûr, cela dépend du jugement de chacun, mais je crois que si l'on peut trouver dans l'ensemble du spectacle une immense mélancolie, il n'y a pas de morale. Peut-être un appel à la révolte, mais pas de pari sur une issue.
Qu'est-ce qui se passe actuellement dans les banlieues ? Pour les révolutions, on a donné. Mais cela ne veut pas dire qu'il ne faille plus de révolutionnaires. Et cela ne veut pas dire qu'il faille accepter "l'ordre moral médiatique" tel qu'il se présente, et le libéralisme comme dernier horizon de l'humanité.
Michel Deutsch, interview parue dans "Acteurs" (mai-juin 91)
Nos sociétés occidentales souffriraient d'un trop plein d'individualisme.
l'Idée n'est pas neuve, mais il paraît que le phénomène tend à s'amplifier. Or, c'est exactement le contraire qui se produit. Jamais les "vrais gens" ne se sont aussi peu intéressés à leur propre existence. Sa vie, on s'en fout. Il n'y a pas grand chose dedans. C'est à celles des autres que l'on s'intéresse. Mais pas de n'importe quels autres et pas longtemps. Cette femme qui pleure trente secondes chez Jacques Pradel. Elle es chômeuse et même française. On est touché. Pas superficiellement.
Vraiment touché. C'est bouleversant. Pas attristant. Vraiment bouleversant. Mais pas longtemps. Ce bébé russe qui va mourir faute de médicaments. On est atterré. On veut faire quelque chose. Agit, oui, il faut agir. Ce reportage d'Envoyé spécial est édifiant. Mais c'est déjà fini. Et voilà la pub. Ce savon qui sent bon et lave jusqu'au fond des pores, c'est tentant. Pas juste intéressant. Vraiment tentant...
Reality-show, magazine "sérieux" d'information avec de "vrais journalistes", pub, émission de variétés... Il n'y a qu'une télévision, unique. Et il serait faux de croire que le téléspectateur (qui ne zappe plus, chaque émission le fait pour lui) a un rapport superficiel au programme. Non, c'est profond. Il n'y a probablement jamais eu autant de gens réellement bouleversés par un conflit que par celui qui se déroule actuellement en Bosnie. Tout le monde sait, tout le monde voit, tout le monde lit. Tout le monde veut faire quelque chose. Trois minutes par jour. Les trois minutes suivantes, tout le monde (les mêmes donc) veut gagner au loto.
Il est absurde de parler d'information spectacle. Le clivage n'est même plus obsolète, il n'a pas lieu d'exister. Tout est information et tout est spectacle et tout importe de la même manière, avec la même intensité soutenue, dans un espace-temps forcément restreint.
Stéphane de Rosnay, L'holocauste du dérisoire, paru dans "L'Autre Journal" (été 93)
Après un long et tenace combat
contre le moulin à vent,
on a réussi à le faire tourner dans l'autre sens.
Arvo Valton
Remerciements
Théâtre-Ensemble Chantier Interdit remercie de leur soutien :
La Loterie Romande
La Ville de Vevey
L'ADIVE, Vevey
L'imprimerie Dagon, Vevey
L'Hôtel des Trois Couronnes
Le Théâtre de Vevey
Müller et Janz, opticiens, Vevey
La Commune de St-Légier
La Parfumerie de la Grenette, Vevey
Ed. Renevier S.A. Lausanne, Champagne POL ROGER
Nathalie Bourgeois, Geneviève Capitanio, Pierre Décosterd, Anne-Lise Gétaz, Patrick Henry, M. Jean-Paul Ingold, Dominique Martin, Pilou Mingard, Okin, Claudia di Paolo.
Ainsi que tous les participants à la réalisation qui grâce à leur générosité et leur disponibilité ont rendu ce spectacle possible.